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Le tombereau de MENPENTI ou la Saint Barthélémy des chiens



L’histoire de notre quartier ne manque pas d’évènements singuliers qui dessinent la singularité de notre patrimoine. Il en est une qui concerne les chiens dans la ville et, tout particulièrement, à Menpenti. Les témoignages sur la présence canine n’apparaissent que ponctuellement dans la documentation historique.

C’est au XIXe siècle que le chien va occuper une place particulière chez les historiens et notre quartier va devenir le lieu d’une épouvantable tuerie à l’égard des chiens errants et des chiens enragés. De nombreuses villes de France considéraient que les chiens errants étaient devenus une plaie pour les habitants. A Lyon, on payait ceux qui amenaient les chiens errants à la fourrière. Les propriétaires qui voulaient récupérer leur chien devaient verser 10 francs. Tout chien non réclamé dans les 48 heures était abattu. A Marseille, la Mairie avait décidé d’engager des actions contre la prolifération des chiens. Deux techniques principales étaient envisagées : l’abattage et le poison. Des saucisses empoisonnées étaient disposées le soir dans différentes rues de la ville. 200 chiens seront ainsi empoisonnés pour le seul mois de janvier 1812. Dans le même mois, 70 chiens seront assommés et abattus. Les victimes étaient ramassées par une équipe conduisant un tombereau dit « tombereau de Menpenti ». Par la suite, les exécuteurs de l’époque opérant à Menpenti étranglaient les chiens avec un lacet. Mais voilà, ils demandaient à faire ce travail de nuit et à être escortés… Pourquoi ? Parce que les Marseillais ne supportaient pas l’idée qu’on tue des chiens et brocardaient les bourreaux ainsi que ceux qui attrapaient les chiens pour les emmener à la fourrière. Le tombereau était conspué, hué par la foule. L’image en haut de l’article provient d’une gravure sur bois de 1830. On remarque le tombereau attelé, un ainsi qu’un agent qui use habilement de son lacet. Face à de tels gestes d’horreur, la semaine vétérinaire publiait ces vers : On en veut donc toujours à l’espèce canine Quel est ce tombereau qui lentement chemine Et qui de Menpenti, sortant chaque matin, Arrête sur ses pas l’impudique mâtin ? Philanthrope fourgon, ce burlesque carrosse Roule sur son essieu traîné par une rosse, Exhalant en chemin un concert aboyant Dont le diapason étourdit le passant. Musique de Sabbat, triste cacophonie, Cet orchestre de chiens, préludant l’agonie, Râle dans sa prison, en funèbres accords Les hymnes du trépas, le Requiem des morts. Voyez ce fier-à-bras qui d’un air tout bravache, Vient tendre au cou du chien la perfide cravache, Comme un serpent roulé, l’élastique cordon A l’épagneul surpris n’accorde aucun pardon. L’animal retenu par le fatal lacet S’agite mais en vain au flexible gibet. Entendez-vous leurs cris, on les mène au trépas Plaignons-les chers lecteurs mais ne les suivons pas.

Cette répulsion que peut inspirer la mise à mort d’animaux domestiques est restée dans l’histoire. Le village de Menpenti a été montré du doigt. Fort heureusement, de nos jours, les chiens, sont préservés et font partie des meilleurs compagnons de l’homme. Ils sont présents dans toutes les sociétés humaines et sur tous les continents. Le chien de compagnie est devenu un véritable congénère partageant le même habitat. la famille et le chien vivent dans une proximité d’autant plus étroite que l’animal participe aux différentes activités de la maisonnée et en vient à être considéré comme un membre à part entière de cette famille. La socialité humaine inclut des formes d’échange, de coopération et de communication avec cet ami à 4 pattes. Ses capacités d'apprentissage et ses aptitudes à exercer certaines activités ont permis à l'homme de le dresser en fonction de ses attentes. Les chiens ont d'abord été, et restent encore aujourd'hui, des animaux utilitaires pour les besoins de l'homme. Le chien est un relais affectif pour les enfants. C’est un bon copain de jeu. Il représente un remède à la perte des liens de proximité entre les êtres humains. Sa présence devient un exutoire à la solitude de ceux qui ont besoin de partager des émotions. On constate l’effet bénéfique et relaxant sur divers aspects de la santé (physique comme mentale) apporté par la présence d’un animal de compagnie. Que dire sur cet animal « facilitateur » de communication sociale quand on sait que sa présence permet d’améliorer les contacts. Promenez-vous avec votre chien et allez à l’encontre d’une personne qui, elle aussi, a un chien. La rencontre se réalisera plus facilement que si vous vous promenez seul(e). L’animal joue ici le rôle de « catalyseur » ou de « lubrifiant » social : il facilite les interactions entre étrangers. Certain(e)s en profitent. Mais le chien n’a pas que des qualités. Il peut poser problème. « Qui aime les chiens aime les puces » nous rappelle le dicton. Un chien peut être dangereux, menaçant il peut montrer les crocs au hasard de ses rencontres. Un Méphistophélès peut se cacher dans un caniche. Plus ils sont petits, plus ils sont agressifs. Et puis, il y a le risque de la « caninisation » qui se traduit par une influence du mental canin sur le mental humain. Cette influence peut rester minime, mais aussi atteindre un envahissement par nos copains à quatre pattes, Il existe des familles où toute l’existence est concentrée sur le chien. Les chiens paraissent aimer cela. Ils encouragent leurs maîtres dans la niaiserie. Il devient le sujet des conversations : « Rex chéri a fait ceci, a fait cela. Il est très intelligent ». L'homme ne promène pas son chien, c'est lui qui est promené par son chien. C’est lui qui est au bout de la laisse. Pour terminer, rappelons la qualité multifonctionnelle du chien : il est bon à tous les niveaux : économiques (chiens de trait), sécuritaires (chiens policiers), militaires (chiens d’assaut), prétexte de promenade lors des couvre-feu Covid, humanitaires (chiens guides d’aveugles, chiens sauveteurs, chiens auxiliaires de vie), sportives (chiens de traîneaux, chiens de course). Ajoutons encore à la palette de ses talents : garde vigilant des maisons et des troupeaux, pisteur émérite mettant son flair au service de son maître, qu’il soit ramasseur de truffes ou chasseur, douanier à la recherche de drogue. Cette bête indissociable et indissociée de l’aventure humaine est à la fois un compagnon de détresse ou de joie. Si « l’ami le plus fidèle de l’homme » est traité comme un animal familier, voire familial, c’est qu’il le mérite bien. Les chiens de Menpenti peuvent oublier l’Histoire . Ils n’ont rien à craindre, ils ont de beaux jours devant eux. Finalement dans notre village une vie de chien ce n’est pas si mal ! Pour ma part, j’ai vraiment eu un mal de chien à rédiger cet article ; Jean-Claude LE GALL

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